30 juin 2007

Réflexions sur le rôle du traducteur

J.Peder Zane

Une réflexion (du point de vue d'un lecteur, cette fois, et quel lecteur !) sur le rôle du traducteur :

Condensé de l'article de PEDER ZANE, "Novels found in translation ", paru dans le New Observer :


Cela aurait dû être pour lui, Sverre Lyngstad, l'événement de l'année. Ce n'est pas tous les jours qu'on trouve son oeuvre citée longuement dans le New Yorker. Mais quelque chose s'est perdu dans la traduction.

( Zane raconte que Sverre Lyngstad ouvre le magazine et trouve un long article sur le prix Nobel norvégien Knut Hamsun, auteur sur lequel il a publié une étude critique et dont il a traduit 9 des meilleurs romans. Bien sûr, le New Yorker a largement puisé dans les traductions de Lyngstad, mais sans jamais mentionner son nom. Celui-ci prend contact avec le magazine, et s'entend dire que les éditeurs avaient eu peur d'"encombrer" l'article en citant son nom. Non sans mal, il a finalement obtenu que le New Yorker publie une version abrégée de sa lettre aux éditeurs.)

"L'article donnait l'impression que les tradutions étaient tombées du ciel ou que l'auteur les avait faites lui-même", raconte Lyngstad. "C'est toujours gratifiant d'être reconnu pour son travail. Lorsque cette reconnaissance est absente, on touche au coeur du problème de la fonction et du statut du traducteur, en ayant l'air de suggérer qu'on a le droit de citer des textes traduits sans aucune référence à la personne qui les a créés."

Les traducteurs, écrit Peder Zane, jouent un rôle tellement central dans notre connaissance des oeuvres étrangères que nous éprouvons une envie instinctive de les faire disparaître du tableau." (Picking up "Madame Bovary" or "Crime and Punishment," we seek to surrender ourselves to the towering genius of Flaubert or Dostoevsky.) Nous ne voulons pas qu'on nous rappelle que notre ignorance du français ou du russe suppose que nous ne pourrons jamais apprécier pleinement leurs oeuvres, sauf par des versions créés par des traducteurs doués, mais obscurs.
(Almost all first-rate translators convey the story and spirit of the works at hand -- capturing Bovary's yearning or Raskolnikov's torment. But then we remember Flaubert, who famously laboured to find le seul mot juste (the one right word). Even a cursory glance of competing translations displays thousands of differing word choices, many of which alter the rhythm, the syntax and, to varying degrees, the meaning of the work.)

Pour prendre un exemple parlant, voici la traduction de Lyngstad de la troisième phrase du roman de Hamsun, Victoria "When he grew up he wanted to be a maker of matches" (Quand il serait grand, il serait fabriquant d'allumettes. ). Voici comment un traducteur plus ancien, Oliver Stallybrass, l'a traduite: "When he grew up he would work in a match factory." (Quand il serait grand, il travaillerait dans une fabrique d'allumettes). Je ne peux pas dire quelle est la version la plus fidèle, mais les différences sont évidentes. Lyngstad nous donne à voir un garçon ambitieux déterminé à mettre le feu au monde. Stallybrass nous présente un enfant dont le morne destin semble tout tracé.

Les traducteurs sont des prêtres qui médiatisent notre relation avec les dieux littéraires. Nous dépendons d'eux lorsque nous voulons un contact direct. Ils sont plus importants que jamais, en cette époque de globalisation. Lire de la littérature étrangère est le meilleur moyen de comprendre , d'appréhender des cultures lointaines "de l'intérieur".

(Suit un passage sur les chiffres, 195,000 livres anglais publiés en 2004 contre 891 oeuvres "of adult literature" traduites.)

Quoi qu'il en soit, poursuit Peder, grâce au travail héroïque et souvent mal payé des traducteurs, nous pourrons lire de nombreux textes merveilleux ce printemps.
( They include "Suite Française," Irene Nemirovsky's novel of life in Nazi-occupied France (Knopf, April, translated from the French by Sandra Smith); "The Possibility of an Island," best-selling French author Michel Houllebecq's futuristic tale of the modern world (Knopf, May, translated by Gavin Bowd); and "Seeing," the latest novel from Portuguese Nobel laureate Jose Saramago, (Harcourt, April, translated by Margaret Jull Costa).)

De plus, les traducteurs insufflent aux oeuvres anciennes une vie nouvelle . (The Nobel prize-winning poet Seamus Heaney resurrected "Beowulf" in 2000 through a version powerful enough to transform the bane of ninth-grade English into a national best seller. Richard Pevear and Larissa Volokhonsky's fresh translation of "Anna Karenina" led Oprah Winfrey to make Tolstoy's masterpiece one of her book club picks. And Anthony Briggs is generating new interest in another Tolstoy classic, "War and Peace" (Viking) through his new translation of that sprawling epic.)

Tout ceci nous rappelle le paradoxe fondamental de la relation entre lecteurs et traducteurs: Nous ne pouvons vivre avec eux, et nous ne pouvons vivre sans eux."

(Book review editor J. Peder Zane can be reached at pzane@newsobserver.com.)

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