30 juin 2007

Les implications de la traduction

L'île de Goré

  • Qu'est-ce que traduire ?


    Nous allons ici essayer de sortir un peu des lieux communs, tradutore, traditore, par exemple, sujet inépuisable et un peu vain, puisque des livres, des articles de journaux, sont traduits tous les jours, pour nous interroger sur quelques implications possibles de cette fonction de "passeur".

  • Adriaan Van Dis, journaliste néerlandais et auteur de nombreux récits de voyage, nous propose un point de vue paru dans la revue de l'Institut Camoês ( juillet-septembre. 1999), dont voici un résumé :
LANGUES VOLEES
  • "Dans la discussion concernant le choc menaçant des cultures, à la suite duquel les cultures des pays pauvres du Sud se sont barricadées ou emploient des armes verbales contre l'arrogance des pays riches du Nord, les traducteurs peuvent remplir un rôle aussi utile que prudent [...]", telle est l'opinion de Adriaan Van Dis qui, dans ce contexte, considère le traducteur comme un batisseur de ponts entre le monde riche et le monde pauvre.
  • Evoquant son séjour dans l'île de Goré, sur la côte du Sénégal, que des trafiquants d'esclaves hollandais ont achetée au Portugal, Van Dis rapporte que lorsqu'il disait aux habitants de l'île qu'il écrivait en hollandais, tout le monde riait à gorge déployée, car personne ne savait écrire dans sa langue native.
  • "Le français, dans les pays francophones, de même que l'anglais et le portugais dans les autres ex-colonies, est la langue des intellectuels. Peu d'écrivains, sans doute, publient dans leur langue maternelle.[...] Donc, les lecteurs des auteurs africains se trouvent dans les grandes villes et surtout à l'étranger, et pour la plupart des auteurs, leurs lecteurs sont à Londres et à Paris. Ce sont des écrivains qui ont échangé les sons, les mélodies et les rythmes de leur jeunesse contre une langue à laquelle les colonisateurs les ont forcés".
  • Ce que Van Dis trouve encore plus étrange, c'est le fait que ce soit les Africains qui opposent plus de résistance aux tentatives d'établissement des littératures dans leurs langues maternelles, ce qui contraste avec le sentiment croissant de malaise parmi les jeunes africains qui se plaignent du peu d'attention et de respect à l'égard de leurs cultures. Les universités américaines sont d'ailleurs innondées de théories afro-centristes qui souhaiteraient que les peuples d'Afrique puissent retrouver leur équilibre et leur estime de soi au moyen d'un "sentiment d'orgueil".
  • C'est dans ces circonstances que le traducteur, plus que le constructeur de ponts entre certaines langues et d'autres, peut également être "un hérault qui souffle les mots d'une langue moins employée vers l'ampleur du monde, enrichissant un grand pays de la littérature d'un plus petit. Il peut remettre un pays sur la carte du monde. Il peut racheter une civilisation de son isolement et l'aider à redécouvrir son orgueil et son identité".

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