29 juillet 2007

La boîte à outils de l'artisan-traducteur - I

Cet article sera le premier d'une série que nous consacrerons aux outils qui facilitent la vie au traducteur et lui permettent de gagner un temps précieux.

Être traducteur, c'est être un artisan de la langue et des mots. Pour être compétents, nous devons posséder un savoir-faire, indéniable certes, mais insaisissable et inexplicable, que chacun aura développé par son vécu, ses expériences et sa sensibilité propres.

Mais il est une composante essentielle de notre travail, beaucoup plus terre-à-terre celle-là, commune à tous les métiers où il faut "bricoler" : comme tout bon artisan, si nous voulons être efficaces, nous devons être équipés de bons outils et bien organisés, pour gagner le plus de temps possible et nous consacrer pleinement au travail sur la langue.

Si les mauvais ouvriers accusent toujours leurs outils, les bons ne peuvent pour autant s'en passer. Nous dresserons donc une liste – non exhaustive – d'outils précieux pour la traduction, et tâcherons de vous donner quelques tuyaux et trucs pour vous faciliter le travail.

N.d.A : Ce "didacticiel" n'est qu'un exemple d'organisation du poste de travail basé sur mon expérience. Chacun est évidemment invité à l'adapter selon ses besoins et ses préférences.

(Pour ce premier article, nous travaillerons à partir d'un environnement Windows XP, mais la plupart des exemples seront transposables dans d'autres systèmes d'exploitation.)


1. Le Poste de travail

Il est important d'organiser au mieux son poste de travail pour avoir un accès rapide à ses documents et à ses outils, tant pour la première utilisation qu'au fil de sa journée de travail.
J'ai personnellement opté pour un poste de travail épuré, où seuls apparaissent des raccourcis pour les dossiers auxquels j'accède le plus souvent et mes travaux en cours, que j'archive lorsqu'ils sont terminés (cela m'évite entre autres de me mélanger les pinceaux dans les différentes versions).

Voici une capture d'écran de mon poste de travail au démarrage de mon PC (Cliquer dessus pour l'agrandir) :



(L'onglet Gimp apparaît car j'en ai eu besoin pour les captures d'écran... ;-) )

J'ai préféré placer les raccourcis de mes applications dans la zone de lancement rapide, à droite du menu Démarrer, dans l'ordre où je les utilise.
De gauche à droite : Bureau > Writer (traitement de texte) > Robert & Collins électronique > Grand Robert électronique > Firefox

Sur le Bureau : les raccourcis pour mes traductions en cours (un roman + un jeu vidéo). Et un fichier de recherches sur Richard Ford, pour ma femme qui prépare l'agrégation d'anglais...

2. Le traitement de texte (ici OOo Writer) :

C'est bien sûr mon outil premier. Nous présenterons sans doute un article consacré entièrement aux traitements de texte pour explorer leurs possibilités plus en détail.


Les outils qui apparaissent sont ceux sélectionnés par défaut, excepté le bouton Enregistrer sous qui remplace le bouton Enregistrer (accessible par la touche de raccourci Ctrl + S), et le bouton Insérer caractères spéciaux (le trèfle à quatre feuilles bleu dans la colonne de gauche).

En ce qui concerne la mise en page, c'est celle du feuillet de 1500 signes (25 lignes de 60 caractères). Lors de mon premier jet, cependant, je préfère travailler en interligne simple. Ce truc me permet à la fois de mieux visualiser mon texte et de mieux repérer les répétitions.

Pour modifier la mise en page : sélectionner le texte en entier (Ctrl + A) > clic droit > Paragraphe. Voici une capture d'écran des paramètres :



3. Les dictionnaires en version électronique


J'utilise bien sûr des dictionnaires papiers, mais assez rarement depuis que je me sers de leurs équivalents électroniques ou en ligne.
Le Grand Robert & Collins est très bien fait et relativement peu onéreux (75€).
Le Grand Robert de la Langue Française est très complet, mais hélas beaucoup plus cher (250€). Ceux qui ne veulent ou ne peuvent faire cet investissement lui préfèreront le Petit Robert électronique, lui aussi excellent et plus abordable (75€).

En voici des copies d'écran :



Une fois lancées, je ne referme plus ces applications, qui gardent leur place dans la barre des tâches. Je les ouvre ainsi très rapidement dès que je souhaite procéder à une recherche dans l'un ou l'autre.

Ces outils, dans leurs versions récentes, permettent de rechercher un mot dans la définition. Cette fonction permet de gagner un temps fou par rapport aux versions papier, où il faut lire la définition entièrement avant de trouver l'acception qui nous intéresse.


4. Le navigateur Internet

Internet est aujourd'hui un outil plus que précieux pour la traduction. En ce qui me concerne, il m'est indispensable. C'est pourquoi j'ai configuré mon navigateur (Firefox) de façon à avoir un accès rapide à mes outils favoris.

Voici une capture d'écran de ma fenêtre d'accueil. Vous remarquerez que plusieurs onglets apparaissent au démarrage.




Viennent en premier les trois moteurs de recherche que j'utilise le plus régulièrement : Google, bien sûr (avec ma page d'accueil personnalisée), Exalead (page d'accueil personnalisée aussi), et le moteur Swicki conçu pour les recherches lexicales.



Nous détaillerons l'utilisation de ces moteurs de recherches dans de futurs articles.

Vient ensuite ma page Box.net, que j'utilise pour sauvegarder mes documents en ligne.


Cet outil permet de garder une copie en ligne de ses documents, accessible depuis n'importe quel ordinateur disposant d'une connexion internet. C'est surtout une sécurité supplémentaire en cas de pertes de données, si vous égarez votre clé USB ou que votre disque dur grille.
Là encore, nous reviendrons plus en détail sur les différentes solutions de sauvegarde dans un article consacré à ce sujet.

J'ai ensuite choisi d'afficher ma page Netvibes (agrégateur de flux RSS) pour avoir accès facilement à tous les fils RSS qui m'intéressent, la page d'accueil de Wikipédia, le Grand Dictionnaire Terminologique (dictionnaire technique anglais/français), la page d'accueil du Free Dictionary (dictionnaire/encyclopédie/thésaurus unilingue, très complet), dictionnaire de synonymes et antonymes du laboratoire CRISCO (indispensable), la page d'accès rapide au dictionnaire Trésor de la Langue Française (en complément du Robert, pour l'étymologie et les termes plus anciens), et enfin, bien sûr, le Portail de Traduction.

Voici les captures d'écran de ces sites :

Netvibes


Wikipédia


Grand Dictionnaire Terminologique



The Free Dictionary


Laboratoire CRISCO



Trésors de la Langue Française



Portail de Traduction Littéraire


A vous ensuite de choisir les outils qui vous intéressent, selon vos préférences et la langue que vous traduisez.

Dans Firefox, pour que tous ces onglets s'affichent à chaque démarrage, voici la marche à suivre lorsque vous avez ouvert vos onglets dans l'ordre où vous souhaitez les voir apparaître :
Aller dans Outils > Options > Onglet Général > sélectionner Pages courantes



Notez que pour Firefox ou Internet Explorer, la barre d'outils Google est un outil très pratique. Elle vous permet de surligner dans la page qui s'affiche les termes de votre recherche. Dans Firefox, cette fonction est également accessible par la touche de raccourci Ctrl + F.

Si vous avez des questions ou des remarques, vous pouvez me les soumettre dans les commentaires ou m'écrire à cette adresse : portailtraductionlitteraire(AT)gmail(POINT)com

10 juillet 2007

Des traducteurs et des hommes

Cet article s’adresse à tous ceux qui pensent que la profession de traducteur, en particulier de traducteur littéraire ou d’édition, est en danger. Oui, en danger car menacée par des traducteurs automatiques ou traducteurs en ligne que l’on trouve à foison sur Internet.

En général, ce sont les mêmes gens qui pensent qu’un traducteur traduit des mots ou qu’une personne bilingue peut très bien être un traducteur. Deux idées très partagées auxquelles je voudrais tordre le cou ici une bonne fois pour toutes.
Tout d’abord, un traducteur ne traduit pas des mots. Il fait passer d’une langue source (la langue de départ) à une langue cible ( la langue d’arrivée) des idées, des concepts véhiculés par des mots. Il y a ici une grosse nuance vous en conviendrez aisément. Le traducteur traduit en priorité des idées. Tout traducteur est d’abord un lecteur qui décode un texte avant de l’encoder dans la langue cible.

Pour se faire il existe de nombreuses stratégies mises à sa disposition, en voici les quelques unes :

- La compensation, qui permet de rendre un trait linguistique par un autre trait linguistique. Cette stratégie permet d’essayer de préserver un maximum la richesse du texte source.

- L’adaptation, qui permet de traduire ce qui n’est pas compréhensible immédiatement, par exemple, une référence culturelle très connue dans un pays doit être adaptée dans le texte cible par une autre référence culturelle de même valeur.

- L’étoffement, un procédé qui permet de traduire une expression de la langue source d’une façon plus complète dans la langue cible. On traduit en général un adverbe par un syntagme nominal ou verbal.

J’arrête ma liste ici car elle pourrait ennuyer les professionnels autant que les néophytes. Mais sachez qu’il existe une bonne vingtaine de stratégies de traduction comme l’enthropie, l’effacement, le calque, la mise en relief, l’hypotaxe etc.

Toutes ces stratégies sont donc là pour aider le traducteur dans sa tâche ardue. Et j’en viens à ma deuxième idée reçue. Une personne bilingue qui possède des connaissances culturelles dans les deux langues est certes avantagée si elle veut être traductrice. Mais cet avantage ne fait pas d’elle une traductrice. Elle peut comprendre ce qu’elle lit dans les deux langues sans difficulté mais peut-elle faire passer une idée d’une langue à l’autre ? C’est un exercice qui demande une certaine gymnastique mentale et de l’entraînement afin de savoir utiliser correctement les différentes stratégies de traduction.

Autant vous dire tout de suite que ce genre de gymnastique ne peut être fait que par un cerveau humain. Seul cet organe extraordinaire peut faire des associations d’idées, se souvenir d’un texte lu il y a des années, comprendre un sens caché ou encore déceler une ironie, un trait d’esprit ou un jeu de mot. Les traducteurs que vous trouvez sur Internet ne traduisent que des mots, pas des idées. Ce qui me rappelle un slogan d’une compagnie aérienne très connue, et dont je tairais le nom ici, qui a pour leitmotiv anglais « There’s no better way to fly ». J’ai un marque-page de cette compagnie, marque-page qui a dû être imprimé à des milliers ou peut-être même millions d’exemplaires (vu l’importance de la compagnie) sur lequel figure un astérisque nous invitant à lire la traduction française de ce slogan : « Il n’y pas plus façon de s’envoler ». Fin de la citation. C’est bien sûr écrit recto-verso, ce serait dommage de passer à côté ! Que s’est-il passé dans cette grande société pour laisser écrire ce non-sens total ? Cela nuit terriblement à l’image de la marque et leur crédibilité en prend un sacré coup par la même occasion.

Si vous n’êtes toujours pas convaincus, essayons de comprendre comment cette « traduction » a été « élaborée ». Faisons un test avec un traducteur en ligne. Demandons lui de traduire cette même phrase, qui avouons le, ne présente pas de difficulté particulière. Voilà ce que j’ai obtenu (je ne cite pas mes sources, pas la peine de faire de la pub, sachez qu’ils sont faciles à trouver et très bien référencés par le principal moteur de recherche américain, c’est clair ?) :

- « Il n'y a aucune meilleure façon de voler »

- « Il n'y a aucune meilleure manière de voler »

Cette dernière étant la plus trouvée. Elle semble faire l’unanimité de par sa perfection linguistique et son côté très français. Remarquez que les deux versions que j’ai trouvé sont nettement supérieures à la version choisie par l’entreprise de transport aérien.

Et oui, tout est affaire de goût, en bout de course, il y a toujours quelqu’un qui tranche, qui fait un choix, pour le meilleur et dans ce cas, pour le pire. Remarquez que je n’ai pas essayé de faire traduire une strophe d’un poème quelconque par un traducteur en ligne… Je vous laisse imaginer le résultat…

Voilà. Voilà pourquoi le métier de traducteur est une valeur sûre tant qu’il existera au moins deux langues différentes sur cette Terre. Voilà pourquoi un traducteur ne peut pas être remplacé par une machine. Enfin, voilà pourquoi n’importe qui ne peut pas s’improviser traducteur du jour au lendemain.