20 décembre 2007

Un point de vue brésilien


Quelles qualités doit avoir un traducteur ?
Il doit être curieux, méfiant, rigoureux, et, surtout, se sentir responsable de ce qu’il traduit. Nous traduisons tous, tous les jours, dans des langues et des langages différents. Si on nous demande l’heure, en regardant notre montre, nous traduisons en mots la position de la petite et de la grande aiguille. Lorsqu’un enfant demande : « Maman, c’est quoi la démocratie ? », la pauvre mère, supposée détenir toutes les réponses, selon son humeur du moment, va s’efforcer de donner une définition, de traduire, de mettre en adéquation, d’adapter le concept de démocratie au niveau de compréhension de l’enfant. La responsabilité est donc essentielle dans le travail de traduction.

Comment être fidèle aux idées de l’auteur ?
Comme en amour ou en amitié, l’idée de “fidélité” en traduction est relative (ou encore moins, pour certains). Il faut quelquefois trahir pour être fidèle, d’où peut-être le traduttore, tradittore
des Italiens. Dans certains cas, être fidèle à la lettre serait la plus impardonnable des trahisons. Il faut être fidèle, oui, aux idées et au style de l’auteur, mais surtout, à la langue vers laquelle on traduit. Il y a des choses qui se disent en français et pas en portugais, et vice-versa. Au-delà des mots et des phrases, il y a des idées et des « contextes » difficiles à traduire. Par exemple, dans La sémiotique du discours, de Jacques Fontanille, on trouve deux exemples pris dans le contexte d’un match de rugby. Mais comment parler de rugby dans le pays du football ? Avec l’autorisation de l’auteur, j’ai « traduit » le match de rugby par un match de football, pour atteindre pleinement le lecteur brésilien.

Est-il nécessaire de connaître la vie de l’auteur, ou seulement ses œuvres ?
De même qu’il n’est pas utile de connaître l’état psychologique de quelqu’un pour lui faire les ongles correctement, nous n’avons pas besoin de connaître la vie d’un auteur pour le traduire, même si des informations sur son style de vie peuvent nous aider à mieux comprendre et faire passer le ton de la langue qu’il emploie. Voilà une idée totalement “sémiotique” : il existe une logique qui régit le style de vie et le style d’écriture d’un auteur. Il n’y a pas de génération spontanée, ni dans la vie ni dans l’écriture : toutes les formes de représentation suivent une logique, un ordre plus ou moins stable. Reste à découvrir quelle est cette équivalence.
[...]

Quel est le chemin à suivre pour faire publier la traduction d’un ouvrage ?
Le premier pas, c’est de trouver un éditeur qui accepte de le faire traduire. Dans mon cas, j’ai présenté mon projet à plusieurs, avant d’en trouver une. [...] Il ne suffit pas de vouloir traduire, de connaître l’auteur, d’aimer le sujet du texte à traduire. Il faut encore que les deux pays concernés s’entendent sur la question des droits d’auteur, du tirage, de la durée du contrat, etc. On ne commence la traduction que lorsque ces questions sont réglées et que le contrat est signé. Comme tous les autres secteurs d’activité, la traduction n’échappe pas aux règles du marché.

10) La traduction est-elle un art ?
Je pense que oui, si nous partons de la définition de l’art en tant que technique, ensemble de savoir-faire que l’on peut apprendre à maîtriser avec plus ou moins de précision. De la traduction d’un livre de recettes à celle d’un manuel technique ou d’une oeuvre religieuse ou littéraire, le traducteur se trouve toujours en face du même défi: transposer le sens de certains textes dans d’autres textes équivalents. Si “faire du sens” (parler, penser, créer) peut être un art sophistiqué, je ne vois pas pourquoi “transposer du sens” ne le serait pas également. Traduire est non seulement un art, c’est un art subtil.

Extraits d’une interview de Jean Portela, chercheur, journaliste et poète brésilien

2 commentaires:

Jean Cristtus Portela a dit…

Chère amie, tes traductions sont toujours élégantes et précises... Tu maîtrises bien l'art de transformer en or pur les plus banals métaux. Merci!

menina a dit…

Merci, Jean ! J'espère que je n'ai pas trahi le sens, même si je n'ai pas toujours été fidèle à la lettre !;)